BOTANIQUE
Durant près d’un millénaire, les plantes furent
nommées et décrites selon les traités antiques. De fait, le mot botanica
apparaît vers l’an mil, pour désigner la branche de la médecine chargée
d’étudier les plantes médicinales. La botanique est alors également appelée
l’étude des « simples » car chaque plante donne un seul type
d’extrait médicinal.
A la Renaissance, en Europe, le savoir botanique est encore
porté par des médecins. Ainsi,
Jean Ruel ou de La Ruelle
(1479 ?-1537),
médecin de François Ier et régent de la faculté de médecine de Paris en 1508 et
1509, publie De natura stirpium libri tres. Le livre conservé à la Bibliothèque d’Ajaccio est l’édition
originale, admirablement imprimée en 1536 par Simon de Colines
(1480 ?-1546). On y voit la marque de
l'imprimeur au titre sur bois gravé par Geofroy Tory (le temps représenté sous
la forme allégorique d'un vieillard ailé tenant une faux avec le mot "tempus"
et la devise : "hanc aciem sola retundit virtus" : La vertu
seule émousse cette lame").
L’ouvrage de Jean Ruel forme la synthèse de tout ce que les
Anciens, tant Grecs que Romains, ont pu laisser sur les plantes, et sur leur
utilisation médicale. C’est ainsi un inventaire, sans classement, des
connaissances botaniques de son époque.
Il en est de même en Italie, où Andrea Bacci (1524-1600) est médecin et professeur de botanique à Rome. Il est l’auteur d’un
ouvrage peu commun sur le Tibre et les qualités de ses eaux, qui deviennent à
partir de 1540 un objet de débats médicaux à Rome. Les médecins dialoguent avec
l’autorité pontificale et les pouvoirs urbains au sujet des projets visant à
redessiner le parcours du fleuve ou les réseaux d’approvisionnement en eau
potable de la ville.
Acteur majeur de ce débat, Andrea Bacci s’adresse au Sénat
Romain dans cet ouvrage dont l’exemplaire conservé à la Bibliothèque Patrimoniale d’Ajaccio est
la seconde édition. Il met en lumière la culture médicale, à partir
d’une relecture d’Hippocrate, remettant au centre la relation entre l’homme et
son environnement. Cet ouvrage peut apparaitre en quelque sorte comme l’un
des premiers traités d’écologie !
Toutefois,
à l’approche de la Renaissance, le regard naturaliste s’affine et une nouvelle
curiosité à l’égard des choses du vivant développe l’observation des plantes.
La vulgarisation de l’imprimerie va permettre la production et la diffusion
d’ouvrages de botanique. Ces ouvrages, illustrés de gravures sur bois, souvent
intitulés Hortus sanitatis
(« le
jardin de santé ») renferment des textes volumineux, embrouillés et ne
suivant aucune méthode. La
Bibliothèque Patrimoniale de Bastia possède un exemplaire unique de ce type d'ouvrage, réalisé par Johannes de Cuba, en 1491 et édité par le bourgeois de Mayence Jakob Meydenbach.
Cette édition compte 1066 gravures sur bois réparties sur 454 pages, représentant 530 plantes (tractatus de herbis), 164 animaux (tractatus de animalibus), 122 oiseaux (tractatus de avibus), 106 animaux aquatiques (tractatus de piscibus) et 144 pierres (tractatus de lapidibus), répertoire auquel s’ajoute une section sur les urines (tractatus de urinis). S’inspirant de traités existants, notamment de ceux d’Albert Le Grand, cet ouvrage est une véritable encyclopédie médiévale sur le Vivant. Richement illustré, il possède la particularité de posséder deux index, insistant sur la volonté d’une utilisation pratique et accessible des connaissances ainsi compilées.
De fait,
au XVIe siècle, la technique de gravure connaît des améliorations et s'affine,
de nombreux artistes de talent apparaissent.
A partir de 1530, l'illustration réaliste devient la
norme, et une attention particulière est désormais portée aux gravures dans les
ouvrages postérieurs. Les pères de la botanique allemande, Otto Brunfels (1489-1534), médecin à Berne, Hieronymus Bock (1498-1554) dit Tragus, prêtre et médecin auprès du duc de Zweibrücken (Deux-Ponts) et Leonhard Fuchs (1501-1566), professeur de médecine à Tübingen, s’appliquent à reproduire le plus fidèlement possible les plantes médicinales décrites. Les œuvres majeures de ces trois grands botanistes sont conservées à la Bibliothèque bastiaise. Ainsi, l’Herbarium vivoeicones (1530) d’Otto Brunfels, le De stirpium (1552) de Tragus, et le De historia stirpium commentarii insignes (1542) de Leonhard Fuchs, enrichissent de leurs illustrations réalistes les étagères de la bibliothèque patrimoniale de Bastia.
Leonhart Fuchs, médecin et universitaire, est principalement connu pour son herbier médical,
De
historia
stirpium commentarii insignes, ouvrage novateur imprimé pour la première
fois à Bâle en 1542. Véritable succès éditorial, il présente une très riche
illustration, composée de plus de 500 gravures sur bois, représentant des
plantes pour la plupart médicinales, originaires d’Allemagne ou du Nouveau
monde. L’ouvrage, rédigé en latin, s’ouvre sur un glossaire qui précise la
définition des termes spéciaux employés dans le texte. Trois index, en
latin, en grec et en allemand complètent l’organisation alphabétique du texte et
permettent d’établir une relation claire entre le nom des plantes, leur
description et leur représentation.
L’exceptionnel exemplaire
conservé à la Bibliothèque de Bastia montre à quel point le réalisme de ces gravures pose le progrès de cette
nouvelle pensée naturaliste. De fait, Fuchs commence à assembler sous un même nom les espèces en groupes. Si elle s’appuie encore sur le grec Dioscoride et
la tradition médiévale, cette œuvre innove par son approche plus scientifique de la botanique. Au-delà du discours médical, Fuchs fonde leur identification
sur l’observation, assurant une pratique médicale plus fiable.
Le XVIe siècle devient celui des « Herbaria », ces copies d’anciennes publications contenant toutefois beaucoup d’erreurs. Mais les imprimeurs, eux, en retirent de nombreux bénéfices financiers…
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