Exposition 2021

BOTANIQUE

De la littérature botanique à la réalité des jardins

rETOUR A LA
BIBLIOTHEQUE PATRIMONIALE

4-La botanique théorique et la découverte de nouvelles espèces 

La Renaissance italienne, reprenant les textes antiques, entraine avec elle un renouveau de la botanique. De plus, la découverte du nouveau monde, les voyages des savants accompagnant les explorateurs, la découverte de nouveaux spécimens végétaux incitent les « rhizotomes » - telle est la dénomination des connaisseurs de plantes à l’époque, à revoir les textes anciens et décrire plus précisément les plantes. Ils ramènent leurs découvertes, commencent à les cultiver dans les premiers jardins universitaires afin de suivre leur développement à des fins de description.

A cette époque régnait aussi une grande incertitude sur l'identification des plantes utilisées en thérapie par les célèbres médecins du passé. Les erreurs et les fraudes étaient fréquentes, causant des dommages très graves à la santé publique. Ainsi, ces jardins d’étude des plantes représentaient-ils le lieu idéal pour apprendre à reconnaître les véritables plantes médicinales. De fait, les premiers jardins botaniques voient le jour en Europe.

Cet ouvrage contient de nombreuses anecdotes sur le mode de vie des Corses à cette période ainsi que de nombreuses références à l’utilisation des plantes. A ce titre, c’est un véritable essai ethnobotanique qui fut réalisé par cet éminent botaniste.

De fait, certains passages révèlent ainsi l’utilisation des plantes par les insulaires, notamment comme plantes médicinales : « Un agriculteur de la Terra di Corte, qui m'accompagnait comme guide, m'a dit que cette espèce végétale, chauffées sur le feu de charbons ardents et saupoudrées dans du vin servaient à réduire bosses et ecchymoses, en les appliquant à la manière d'un cataplasme et les changeant souvent, affirmant qu'il les a utilement expérimentés sur les contusions qu’il avait au pied. », ou encore « Cette scrofulaire est connue des villageois sous le nom de « cacancia », et utilisée par eux, chauffée, comme émollient efficace, accompagné de graisse animale ou de vraie huile pour guérir les tumeurs mûres, et les personnes atteintes de la maladie du charbon (anthrax). Ou encore au sujet de l’hellébore fétide (Helleborus foetidus L.), dont il dit que les Corses l’appelaient Nocca et dont ils utilisaient la racine brûlée pour faire tomber les dents malades « mais il faut l’appliquer prudemment ».  

Parallèlement en Europe, les nouvelles techniques permettent d’atteindre de nouvelles échelles d’observations très fines, notamment grâce aux améliorations apportées à la microscopie. De sorte que, dès la seconde moitié du XVIIe siècle, cette nouvelle instrumentation va permettre le développement d’une démarche scientifique aux prémices de la science moderne. Parmi les précurseurs de l’utilisation du microscope en botanique, le Britannique Nehemiah GREW (1641-1712) est considéré, avec l’Italien Marcello MALGIPHI (1628-1694), comme le fondateur de l'anatomie végétale. Médecin à Londres (diplôme de l’Université de Leyde) et membre de la Royal Society, il en devient, en 1677, le secrétaire et dirige sa publication, Philosophical Transactions, revue qui continue de publier au XXIe. Ses travaux et écrits sont rassemblés dans The Anatomy of Plants (1682)

La Bibliothèque Patrimoniale d’Ajaccio possède l’édition originale française du premier ouvrage, imprimée en 1675, ornée d'un frontispice allégorique, de 8 bandeaux gravés en tête des chapitres et de 14 planches hors texte comprenant chacune une gravure et un texte explicatif. Deux planches contiennent plusieurs figures. Traduit par Louis Le Vasseur, et contenant une lettre écrite en latin par Mr. Grew à l'auteur de la traduction. Les vignettes et figures anatomiques sont gravées sur cuivre par F. Chauveau, avec un bandeau gravé sur cuivre aux armes du dédicataire (dextrochère tenant trois lys de jardin) en tête de l'épître dédicatoire (la figure allégorique du frontispice tient également ces trois lys de jardin). 


Nehemiah Grew y décrit la morphologie des racines et des tiges, réalise la première étude microscopique du pollen, analyse les structures florales et éclaircit le rôle de l'étamine. Ce chapitre sur les fleurs est extrêmement intéressant, car le pollen n’était pas connu ni réellement décrit à cette époque, qui réfutait de même toute sexualité chez les végétaux. N. Grew tente d’expliquer le « cœur des fleurs » qui est visité par différents animaux et ses observations de petits « globules » dont il suppose l’importance pour ces animaux visiteurs. Même si Théophraste l’avait évoquée dès l’Antiquité, ces pages sont les prémices de la description de la pollinisation, qui ne sera réellement acceptée et décrite qu’au début du XIXe siècle. L’Anatomie des plantes de N. Grew reste l'un des plus importants ouvrages de botanique du XVIIe siècle, sans équivalent durant près d'un siècle, et ayant ouvert une large avancée dans la
connaissance du monde végétal. 


 
Le français Joseph Pitton de Tournefort (1656-1708) met au point une nouvelle classification et définit le concept de genre dans un ouvrage datant de 1700, Institutuines rei herbariae. La troisième édition de cet ouvrage, datée de 1719, est conservée à la bibliothèque d’Ajaccio. Cet ouvrage décrit 700 genres « naturels » et divise les plantes à fleurs en 22 classes.

La botanique reprenant un aspect plus théorique, il s’agit à présent de trouver un système de classification universelle car le nombre de plantes décrites augmente de façon considérable, de même que les flores. Si des ébauches ont été initiées par les botanistes dès la fin du XVIe, les critères s’affinent dès la deuxième moitié du XVIIe, on commence à différencier mono- et dicotylédones, de formes de fruits, des tiges, des feuilles…
 

Ainsi, la botanique redevient une science théorique et un célèbre médecin botaniste suédois propose une classification du vivant sur la base de ces nouvelles connaissances. Reprenant la délimitation des genres de Tournefort, Carl von Linné (1707-1778) développe un système de nomenclature binominale, diffusé dans les années 1760 et qui perdure encore de nos jours, basant la classification des plantes sur la morphologie florale.​ 

Conférences

Paolo BOCCONE - MUSEO DI PIANTE RARE